Seul le juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, peut prolonger cette rétention administrative (article 35 de la loi n° 02-031). Si l’administration veut maintenir l’étranger en rétention au-delà de 24 heures, elle doit en faire la demande au président du tribunal de première instance ou à son délégué (un juge du tribunal qu’il a désigné pour le remplacer) en sa qualité de juge des référés.

Le juge des référés doit alors statuer par ordonnance, en présence du procureur du Roi ou d’un magistrat du parquet (« représentant du ministère public ») et après audition du représentant de l’administration, de l’étranger et de son avocat.

Le juge des référés peut :

  • soit prolonger le maintien en rétention pour une durée maximale de 15 jours à compter de l’expiration du délai initial de 24 heures ;
  • soit assigner l’étranger à résidence (c’est à dire l’obliger à rester dans un lieu qu’il désigne), après remise aux services de police ou de la gendarmerie royale du passeport et de tous documents justificatifs de l’identité.

Remarque

Dans cette dernière situation, un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d’éloignement en instance d’exécution doit être remis à l’étranger.

Attention

Le juge de la rétention n’est pas le juge de la décision d’éloignement. Il ne s’agit d’ailleurs pas du même juge : seul le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, est compétent pour autoriser une privation de liberté, alors que seul le juge administratif est compétent pour juger de la légalité d’une décision administrative. Ce qui signifie que les deux procédures sont indépendantes. Par exemple, le juge administratif peut rejeter le recours de l’étranger contre la décision d’éloignement parce qu’il la juge légale, et le juge judiciaire rejeter la demande de prolongation de la rétention parce qu’il juge que la privation de liberté n’est pas indispensable ou que la procédure est irrégulière. Dans ce cas, la mesure d’éloignement reste applicable même si l’étranger doit être remis en liberté. Elle pourra être mise en œuvre à l’occasion d’une arrestation future. De même, le juge judiciaire peut prolonger la rétention administrative avant que le juge administrative annule finalement la décision d’éloignement. Dans ce cas cependant, l’étranger doit être libéré car il n’y a plus de raison de le maintenir en rétention, comme le précise d’ailleurs l’article 24 de la loi.

L’étranger ne peut donc pas être maintenu en rétention au-delà d’une durée de 16 jours. Toutefois, à l’expiration de ces 16 jours et à la demande de l’administration, le président du tribunal de première instance ou le magistrat délégué peut, dans les mêmes conditions, accorder une seconde prolongation pour une durée maximale de 10 jours, mais uniquement en cas d’urgence absolue ou de menaces d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou si l’étranger n’a pas présenté à l’autorité administrative compétente le document de voyage lui permettant d’être éloigné et que des éléments de faits montrent que ce délai supplémentaire est de nature à permettre l’obtention de ce document, c’est-à-dire s’il n’a pas de passeport en cours de validité et que le consulat, à la demande de l’administration, s’est engagé à lui délivrer un passeport (ou un laissez-passer).

Remarque

le juge français, que la loi enferme dans la même alternative, s’est reconnu la possibilité, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de rejeter la demande de l’administration et de refuser toute mesure de surveillance et de contrôle s’il juge que sa requête est irrecevable (requête tardive, non signée ou non motivée par exemple) ou qu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure (violation des droits lors de l’interpellation, de la garde-à-vue, de la notification de la décision de maintien en rétention administrative ou au cours de la rétention elle-même).

L’étranger, le représentant du ministère public et celui de l’administration (que pour la première fois, la loi désigne en la personne du wali ou du gouverneur) peuvent contester la première comme la seconde ordonnance du juge des référés en faisant appel devant le président de la cour d’appel (ou son délégué).

Celui-ci est saisi sans forme, c’est-à-dire que la déclaration d’appel n’est soumise à aucune condition de forme (ni même de délai). L’étranger peut par exemple simplement le faire oralement à la fin de l’audience (il devra cependant s’assurer que le greffier l’a bien enregistrée, en demandant qu’il lui remette un récépissé de sa déclaration par exemple).

Le président de la cour d’appel ou son délégué doit statuer dans les 48h de sa saisine.

L’appel n’est pas suspensif : si la rétention a été prolongée, l’étranger reste en rétention en attendant l’audience, voire jusqu’à la décision de la cour si elle n’est pas prise immédiatement, et peut donc être expulsé ou reconduit à la frontière avant qu’elle ne soit rendue. Inversement, si le 1er juge n’a pas prolongé la rétention, l’étranger doit être remis en liberté même si l’administration fait appel.

Notes

1 – Loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, promulguée par le dahir n° 1-03-196 du 11 novembre 2003, publiée en arabe au Bulletin officiel n° 5160 du 13 novembre 2003 et en français au Bulletin officiel n° 5162 du 20 novembre 2003