La procédure applicable aux décisions de reconduite à la frontière

La loi n° 02-031ne donne pas non plus de précision à ce sujet. Dès lors, c’est la procédure de notification des décisions administratives de droit commun prévue par la loi n° 03-012 qui s’applique. En effet, la reconduite à la frontière constitue une mesure de police qui doit être motivée conformément au a) de l’article 2 de cette loi.

  •  La décision devrait donc être notifiée (communiquée) par écrit et être motivée en droit (c’est à dire viser ou citer les textes sur lesquels elle est fondée) et en fait (c’est à dire expliciter les éléments de la situation personnelle du demandeur pris en compte) conformément à l’article 1er de la loi 03-01.

D’autant que l’article 22 de la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille3 stipule que « la décision doit être notifiée aux intéressés dans une langue qu’ils comprennent. Sur leur demande, lorsque ce n’est pas obligatoire, la décision leur est notifiée par écrit et, sauf circonstances exceptionnelles justifiées par la sécurité nationale, elle est également dûment motivée. Les intéressés sont informés de ces droits avant que la décision soit prise, ou au plus tard au moment où elle est prise ».

  •  Même si le droit interne ne l’impose pas, cette décision ne devrait pouvoir être prise qu’à l’issue d’une procédure contradictoire, le même article de cette Convention (qui emploi le terme expulsion pour tout les formes d’éloignement du territoire) stipulant que « les intéressés ont le droit de faire valoir les raisons de ne pas les expulser et de faire examiner leur cas par l’autorité compétente, à moins que des raisons impératives de sécurité nationale n’exigent qu’il n’en soit autrement. En attendant cet examen, les intéressés ont le droit de demander la suspension de la décision d’expulsion ».
  •  Dès cette notification effectuée, l’étranger est mis en mesure d’avertir un avocat, son consulat ou toute personne de son choix (dernier alinéa de l’article 24 de la loi n° 02-03). Concrètement, il devrait donc pouvoir appeler, avec son téléphone personnel s’il en a un ou avec un téléphone mis à sa disposition par l’administration, un avocat, son consulat (sauf les réfugiés et les demandeurs d’asile, qui devraient pouvoir appeler le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés), et une personne de son choix (famille, ami, association, …).
  • Exécution de la décision de reconduite : L’administration peut exécuter la décision d’office, c’est à dire par la force (article 28 de la loi n° 02-03), mais ne peut pas le faire avant l’expiration d’un délai de 48 heures ou, si l’étranger l’a contestée devant le président du tribunal administratif), avant que celui-ci n’ait statué (article 24 de la loi n° 02-03).

EN PRATIQUE

Les étrangers sont refoulés sur ordre du procureur du Roi adressé aux forces de l’ordre sans qu’aucune décision ne soit formalisée, ni a fortiori ne leur soit notifiée, et sans leur permettre de contacter qui que ce soit, leur téléphone leur étant souvent confisqué.

Ces refoulements font parfois suite à des arrestations massives et indiscriminées qui peuvent être qualifiées de rafles, et effectués sans examen particulier de la situation individuelle des intéressés, et constituent donc des refoulements collectifs, pratique pourtant interdite par l’article 22 de la convention internationale sur le protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille qui stipule que « Les travailleurs migrants et les membres de leur famille ne peuvent faire l’objet de mesures d’expulsion collective. Chaque cas d’expulsion doit être examiné et tranché sur une base individuelle ».

Notes

1 – Loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, promulguée par le dahir n° 1-03-196 du 11 novembre 2003, publiée en arabe au Bulletin officiel n° 5160 du 13 novembre 2003 et en français au Bulletin officiel n° 5162 du 20 novembre 2003

2 – Loi n° 03-01 relative à l’obligation de la motivation des décisions administratives émanant des administrations publiques, des collectivités locales et des établissements publics, promulguée par le dahir n° 1-02-202 du 23 juillet 2002, publiée en arabe au Bulletin officiel n° 5029 du 12 août 2002 et en français au Bulletin officiel n° 5030 du 15 août 2002, également consultable sur le site du ministère de la justice

3 – Dahir n° 1-93-517 du 2 août 2011 portant promulgation de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, publié aux Bulletins officiels n° 6015 du 23 janvier 2012 (arabe) et n° 6018 du 2 février 2012 (français)