La loi n° 02-031 ne prévoit pas explicitement que certaines catégories d’étranger ne peuvent faire l’objet d’une reconduite à la frontière (comme c’est le cas pour l’expulsion, v. Les catégories d’étrangers protégés contre l’expulsion), mais affirme dans son article 29, dans le chapitre consacré aux dispositions communes à la reconduite à la frontière et à l’expulsion, qu’aucune femme étrangère enceinte et aucun mineur étranger ne peuvent être éloignés. Les étrangers appartenant à ces catégories ne peuvent donc faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière, qui est une forme d’éloignement.
Remarque
Il serait toutefois paradoxal que des étrangers soient protégés contre une mesure, l’expulsion, motivée par une menace grave à l’ordre public, en raison de leur situation personnelle ou familiale ou de la durée ou de la nature de leur séjour au Maroc, mais pas contre une mesure, la reconduite à la frontière, qui vise simplement à mettre fin à un séjour en situation irrégulière. L’exécution d’une décision de reconduite prise contre un étranger dans une telle situation porterait en effet à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but de la mesure ou, dit autrement, entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et serait donc entachée d’une erreur manifeste d’appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle. Mais seule la jurisprudence pourrait obliger l’administration à se livrer à cet examen, à condition que le juge administratif se reconnaisse compétent pour effectuer un contrôle de proportionnalité entre les effets et le but d’une mesure de reconduite à la frontière, ou au moins pour contrôler la légalité d’une telle mesure de reconduite au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l’étranger qui en fait l’objet. Il peut pour cela s’appuyer sur l’article 14 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille2 qui stipule que « nul travailleur migrant ou membre de sa famille n’est l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile, sa correspondance ou ses autres modes de communication (…) chaque travailleur migrant et membre de sa famille a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes », qu’on peut rapprocher de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale protégeant le droit au respect de la vie privée et familiale sur la base duquel les juges européens effectuent un contrôle de proportionnalité entre le but de la mesure et ses conséquences.
EN PRATIQUE
L’administration ne respecte pas toujours la protection dont bénéficient certaines catégories d’étrangers : ainsi des mineurs, des femmes enceintes sont parfois refoulés.
Notes
1 – Loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, promulguée par le dahir n° 1-03-196 du 11 novembre 2003, publiée en arabe au Bulletin officiel n° 5160 du 13 novembre 2003 et en français au Bulletin officiel n° 5162 du 20 novembre 2003
2 – Dahir n° 1-93-517 du 2 août 2011 portant promulgation de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, publié aux Bulletins officiels n° 6015 du 23 janvier 2012 (arabe) et n° 6018 du 2 février 2012 (français)