Les catégories d’étrangers protégés contre l’expulsion

L’article 26 de la loi n° 02-031 énumère 8 catégories d’étrangers qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision d’expulsion en raison de leur situation personnelle ou familiale, ou de la durée ou de la nature de leur séjour au Maroc :

1/ l’étranger qui justifie par tous moyens qu’il réside au Maroc habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de six ans ;

Il doit donc prouver qu’il est entré au Maroc avant l’âge de 6 ans (ou qu’il y est né) et qu’il y réside depuis cette date, même en situation administrative irrégulière.

2/ l’étranger qui justifie par tous moyens qu’il réside au Maroc habituellement depuis plus de 15 ans ;

Il doit donc prouver qu’il réside au Maroc depuis plus de 15 ans quel que soit l’âge auquel il y est entré.

3/ l’étranger qui réside régulièrement sur le territoire marocain depuis dix ans, sauf s’il a été étudiant pendant toute cette période ;

La résidence habituelle sur le territoire est une question de pur fait et peut donc être prouvée par tout moyen. Il faut produire des documents qui prouvent la présence sur le territoire pour chacune des années depuis l’âge de six ans ou des 15 années précédant la demande (documents officiels ou d’administrations publiques bien sûr, mais également factures d’électricité, d’eau ou de téléphone, ordonnances, factures de soins, ou tout autre document au nom du demandeur, voire témoignages et attestations).

La résidence régulière est la résidence sous couvert d’un titre de séjour (autorisation provisoire de séjour, récépissé de demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, carte d’immatriculation ou carte de résidence). Elle est a priori plus facile à prouver puisqu’il suffit de produire ces documents.

Attention

Il est donc important de toujours garder des copies certifiées conformes de ces documents, surtout qu’en général, l’administration garde le récépissé de demande de titre de séjour quand elle délivre la carte ainsi que l’ancienne carte quand il s’agit d’un renouvellement.

4/ l’étranger marié depuis au moins un an avec un conjoint marocain

Le problème tient ici à la difficulté pour les étrangers de se marier au Maroc.

L’étranger qui entre dans l’une de ces quatre catégories entre également dans les catégories d’étrangers qui peuvent de plein droit se voir délivrer une carte de résidence, sous réserve de justifier de leur entrée et de leur séjour régulier et de ne pas constituer une menace à l’ordre public (v. Séjour). Ainsi, s’ils se sont vu refuser la délivrance de cette carte pour un de ces motifs, ils sont néanmoins protégés contre l’expulsion. Ils peuvent toutefois faire l’objet d’une décision de reconduite à la frontière, seuls les mineurs et les femmes enceintes étant légalement protégés contre cette mesure, mais cette mesure est contestable (v. ci-dessus).

5/ L’étranger qui est père ou mère d’un enfant résidant au Maroc qui a acquis la nationalité marocaine en application des dispositions de l’article 9 du dahir n° 1-58-250 du 6 septembre 1958, à condition qu’il exerce la tutelle légale à l’égard de cet enfant et qu’il subvienne à ses besoins ;

Il doit remplir de nombreuses conditions cumulatives : l’enfant doit être né à l’étranger de parents inconnus, avoir été pris en charge au titre de la Kafala par une personne de nationalité marocaine pendant au moins cinq ans, et résider au Maroc. L’étranger doit ensuite avoir réussi à reconnaître l’enfant et être devenu son tuteur légal, ce qui n’est pas toujours facile, et paraît en tout état de cause contradictoire avec la condition précédente (parents inconnus). Il doit enfin prouver qu’il subvient à ses besoins, ce qui peut également être difficile à prouver s’il n’a pas de revenus officiels, en particulier s’il n’a pas le droit de travailler, ce qui est notamment le cas s’il est en situation irrégulière .

6/ l’étranger résidant régulièrement au Maroc sous couvert de l’un des titres de séjour prévus par la présente loi ou les conventions internationales, sauf s’il a été condamné définitivement à une peine au moins égale à un an d’emprisonnement sans sursis ou, sans condition de durée, pour une infraction relative à une entreprise en relation avec le terrorisme, aux mœurs ou au stupéfiants ;

Ainsi, l’étranger en situation administrative régulière ne peut en principe pas être expulsé, mais cette protection disparaît s’il a fait l’objet d’une condamnation pénale à une peine d’au moins un an de prison ferme ou pour une affaire de terrorisme, de mœurs ou de stupéfiants.

7/ la femme étrangère enceinte

8/ l’étranger mineur

Attention

Cette protection disparaît si l’expulsion constitue « une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou pour la sécurité publique » (article 27 de la loi). Cette notion n’est pas plus définie que celle de « menace à l’ordre public » mais on comprend qu’elle ne peut viser que des étrangers coupables de faits très graves et portant une atteinte très importante aux intérêts fondamentaux de l’État ou à la sécurité publique : espionnage, terrorisme, grande criminalité organisée.

Toutefois, l’article 29 de la loi protège de façon absolue les femmes enceintes et les mineurs contre toute forme d’éloignement. Aussi, à supposer même que l’administration puisse prendre contre eux une décision d’expulsion fondée sur une nécessité impérieuse, elle ne devrait pas pouvoir la mettre à exécution. Elle pourrait éventuellement les assigner à résidence sur le fondement de l’article 31.

Notes

1 – Loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, promulguée par le dahir n° 1-03-196 du 11 novembre 2003, publiée en arabe au Bulletin officiel n° 5160 du 13 novembre 2003 et en français au Bulletin officiel n° 5162 du 20 novembre 2003