Reconduire un étranger à la frontière consiste matériellement à le reconduire dans un autre pays qui doit donc être explicitement désigné pour que la mesure de reconduite puisse être exécutée. La décision fixant le pays de destination constitue une décision distincte de la mesure d’éloignement elle-même (article 30 de la loi n° 02-031).
L’administration ne peut désigner le pays de renvoi que parmi les possibilités prévues par l’article 29 de cette loi :
- soit le pays dont l’étranger à la nationalité, sauf si le statut de réfugié lui a été reconnu ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande d’asile ;
Cette hypothèse est la plus simple : le plus facile a priori est de renvoyer l’étranger dans son pays d’origine, surtout s’il a un passeport en cours de validité. Dans le cas contraire, l’administration doit déterminer sa nationalité et demander aux services consulaires du pays correspondant de le reconnaître et de lui délivrer un laissez-passer garantissant qu’il y sera admis.
Toutefois, pour respecter le principe de non refoulement issu de l’article 33 de la La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés2 (c’est à dire l’interdiction de renvoyer une personne dans un pays où elle risque de subir des persécutions – v. La protection des réfugiés contre l’expulsion et le refoulement), la loi prévoit qu’un réfugié ou un demandeur d’asile en cours d’instance (et donc réfugié potentiel) ne peut être renvoyé dans son pays. Si l’administration veut exécuter la mesure de reconduite, elle doit alors rechercher si une des deux hypothèses suivantes est possible. Dans le cas contraire, l’article 31 de la loi prévoit qu’elle peut l’assigner à résidence, c’est à dire l’obliger à résider dans un lieu déterminé et à se présenter régulièrement au commissariat ou à la gendarmerie pour vérifier qu’il respecte cette obligation.
Attention
La procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié telle qu’elle est prévue par le droit interne n’est pas mise en œuvre par l’État marocain, et à l’heure actuelle, seul le Haut-commissariat des Nations-Unie pour les réfugiés (HCR) enregistre les demandes d’asile et délivre des cartes de réfugié, mais ces demandeurs d’asile et réfugiés, dépourvus de titre de séjour, font toujours l’objet d’interpellation et parfois de refoulement. Les attestations de demande d’asile et les cartes de réfugiés délivrés par la représentation du HCR ne constituent donc pas toujours une protection juridique efficace. Néanmoins, on constate une amélioration concernant les réfugiés et, dans une moindre mesure, les demandeurs d’asile qui sont parfois relâchés par les forces de l’ordre et échappent ainsi au refoulement.
Remarque
Il est pourtant encore souvent nécessaire que le HCR intervienne, ce qui implique que les forces de l’ordre ou le réfugié lui-même soient en mesure de contacter le bureau du HCR pour signaler l’arrestation.
- soit un autre pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;
ce sera le cas par exemple d’un étranger reconnu réfugié dans un pays tiers qui lui aura donc délivré le titre de voyage pour réfugié prévu par la convention de Genève pour remplacer le passeport de son pays d’origine.
- soit un autre pays dans lequel il est légalement admissible, c’est à dire pour lequel il remplit les conditions d’entrée, par exemple un pays pour lequel il est dispensé de visa ou qui lui a délivré un visa.
Si c’est le cas et qu’il le demande, l’administration doit privilégier cette solution. L’article 22 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille3 stipule en effet qu’ils « peuvent demander à être admis dans un État autre que leur État d’origine ».
De même que la décision de reconduite elle-même et pour les mêmes raisons, la décision fixant le pays de renvoi ne peut être prise que par le ministre de l’intérieur ou un agent de son administration bénéficiant d’une délégation de signature, et doit être notifiée (communiquée) par écrit et être motivée en droit (c’est à dire viser ou citer les textes sur lesquels elle est fondée) et en fait (c’est à dire expliciter les éléments de la situation personnelle du demandeur pris en compte).
EN PRATIQUE
Les étrangers ne sont pas reconduits à la frontière au sens strict, c’est à dire renvoyés dans leur pays ou un pays tiers, mais conduits à la frontière, en général à la frontière avec l’Algérie dans les environs de Oujda au nord-est (frontière fermée qui plus est) où à la frontière avec la Mauritanie au Sud (dans le no man’s land miné dit de Kandahar). C’est pourquoi on parle souvent de refoulement plutôt que de reconduite.
Notes
1 – Loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, promulguée par le dahir n° 1-03-196 du 11 novembre 2003, publiée en arabe au Bulletin officiel n° 5160 du 13 novembre 2003 et en français au Bulletin officiel n° 5162 du 20 novembre 2003
2 – publiée au Bulletin officiel de l’Empire chérifien n° 2237 du 9 septembre 1955
3 – Dahir n° 1-93-517 du 2 août 2011 portant promulgation de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, publié aux Bulletins officiels n° 6015 du 23 janvier 2012 (arabe) et n° 6018 du 2 février 2012 (français)