Un étranger ne peut être expulsé que si sa présence sur le territoire marocain constitue une menace grave pour l’ordre public (article 25 de la loi n° 02-031). Une menace « simple » à l’ordre public, si elle permet à l’administration de refuser l’entrée ou le séjour à un étranger, ne lui suffit donc pas pour décider de l’expulser.
La menace grave à l’ordre public n’est pas définie par la loi, mais uniquement par la jurisprudence2. Cette notion, du fait même du flou qui l’entoure, ouvre la voie à l’arbitraire en l’absence d’une nomenclature claire et précise des actes qui peuvent être qualifiés d’atteinte à l’ordre public.
Légalement, une condamnation pénale n’est ni nécessaire ni suffisante pour considérer que la présence d’un étranger constitue une menace grave à l’ordre public. Un étranger peut être expulsé alors même qu’il n’a jamais fait l’objet d’une condamnation pénale, et inversement, l’administration ne peut se fonder seulement sur une condamnation pénale pour décider d’expulser un étranger, car elle ne peut se fonder que sur des faits matériels, sur un comportement. Ce n’est pas une condamnation qui caractérise une menace à l’ordre public, mais éventuellement les faits qui ont conduit à cette condamnation. Ces faits doivent être suffisamment graves ou répétés pour que le comportement de leur auteur constitue une menace grave à l’ordre public.
La menace doit être actuelle, c’est à dire exister au moment où la décision est prise. Ainsi, des faits anciens ne peuvent suffire à justifier une expulsion (sauf s’ils sont gravissimes), surtout si le comportement de l’étranger a changé. Ils doivent être graves et récents, ou répétés.
EN PRATIQUE
Le nombre d’expulsion semble relativement limité. Les derniers exemples connus concernent des étrangers accusés de prosélytisme religieux, faits qui semblent caractériser une menace grave à l’ordre public pour les autorités marocaines.
Notes
1 – Loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, promulguée par le dahir n° 1-03-196 du 11 novembre 2003, publiée en arabe au Bulletin officiel n° 5160 du 13 novembre 2003 et en français au Bulletin officiel n° 5162 du 20 novembre 2003
2 – Pour davantage de détails, voir l’étude du GADEM : Étude sur le cadre juridique relatif à la condition des étrangers au regard de l’application du pouvoir exécutif et de l’interprétation du juge, 2009 : http://www.gadem-asso.org/IMG/pdf/ETUDE-GADEM-janv2009.pdf